En ces jours de transition entre
2018 et 2019, je viens de vivre une aventure éprouvante. J’ai été traduit en
justice pour manquement à mon obligation modéliste et condamné sans recours
possible, avec publicité infamante à la clé. Je vous invite donc à être très
prudent en 2019, à surveiller vos faits et gestes, à garder tout élément de
preuve comme les boites d’origine et les facturettes CB, à limiter vos
constructions intégrales et à accepter de sacrifier quelques économies afin de
participer à la relance de l’industrie et du commerce.
Si vous voulez connaître le
compte-rendu d’audience, lisez la suite !
Le président : Affaire
suivante, Ministère Public contre Lavabre.
Je m’avance tout tremblant vers
la barre, suivi de mon jeune avocat commis d’office.
Le président : Accusé
Lavabre, ne perdons pas de temps. L’enquête a prouvé qu’en 2018, vous n’avez
pas respecté votre quota d’achat de trains miniatures. De ce fait, vous vous
êtes mis en infraction avec la réglementation…
Moi : Quelle réglementation ?
Le président : Veuillez ne
pas m’interrompre ! Nul n’est sensé ignorer la loi et, en tant qu’abonné
de Loco-Revue, revue juridique de référence, vous lisez les pages « nouveautés »
et « tests » qui doivent obligatoirement déclencher un acte d’achat
mensuel.
Moi : Mais j’ai des
circonstances atténuantes. Cette année, j’ai dû remplacer les freins de la
voiture qui grinçaient, le lave-linge qui fuyait et mon portable qui chouinait…
Le président : Arguments non
valables…
L’avocat : (à l’oreille) Laissez-moi
faire… (au président) Monsieur le Président, mon client, s’il n’a pas respecté,
mais en toute bonne foi, ses quotas d’achat de matériel neuf, a largement œuvré
à la noble cause du modélisme ferroviaire en récupérant et entretenant des
caisses entières de matériel Jouef du siècle précédent qui, sans lui, aurait
connu la destruction et une perte irréparable…
Le président : Quoi !
Quelle horreur ! Quelle abomination ! Ces transactions sous le
manteau sont intolérables. Les bourses, les vide-greniers et les petites
annonces sont autant de lieux de perdition qui échappent à tout contrôle et empêchent
les véritables transactions soumises à la TVA. Votre client sera donc en outre
condamné à payer l’IFI sur ce matériel…
Moi : Non ! Pas l’Impôt
Ferromodéliste Inégalitaire ! Pitié…
Le président : Pas de pitié,
vous payerez…
Moi : Mais j’ai quand même acheté
un petit locotracteur bien sympathique qui n’attendait que moi dans sa boite
bleu et jaune…
Le président : Hors de
question que je tienne compte de ce « petit machin » incapable de s’aventurer
sur une voie principale ou de remorquer une voiture Corail.
Moi : Il est en version
digitale sonore avec le Power Pack (et toc)…
Le président : Dans ce cas…
Huissier ! Veuillez saisir immédiatement ce Moyse, il servira à payer les
dépens et les frais de justice.
Moi : C’est pas ma faute à
moi si j’ai réservé un autorail au nom d’indien en boite bleu et jaune aussi et
qui n’a pas été livré à temps…
Le président : Vous n’aviez
qu’à commander le même autorail en coffret bois, vous l’auriez depuis longtemps…
Moi : Mais j’avais des kits
à monter en retard et puis j’ai voulu essayer quelques constructions
intégrales. Bon, j’avoue que le résultat est plutôt raté…
Le président : C’est vous
qui êtes un raté, vous êtes la lie des modélistes ferroviaires, sans foi ni loi
et sans talent… Je vous condamne donc à une mesure d’intérêt général :
vous porterez un gilet jaune pendant un an pour travailler toutes les nuits sur
un chantier de renouvellement de voie.
Moi : Non ! Pas ça !
La nuit, il faut que je dorme… Et puis ma voie est de bonne qualité (pensez-donc,
de la Peco code 100), bien posée (quoique cela déraille trop souvent) avec un
ballast neuf (du vrai Woodland Scenic). J’ai même une bourreuse Kibri qui passe
régulièrement… Ah ! Je me souviens qu’au début de l’année, j’ai aussi
acheté une draisine DU65…
Le président : Assez discuté !
Vous avez un casier vierge en votre faveur, je mets donc l’affaire en délibéré,
vous vous débrouillerez avec le JAM, le Juge aux Affaires Modélistes. Affaire
suivante…
Je me suis donc retrouvé dans le
bureau du JAM qui m’a ouvert le dernier numéro de Loco-Revue aux pages de
présentation des nouveautés de l’année à venir, dévoilées à Railexpo. Il a
voulu me m’imposer une liste conséquente : RTG + AGC + 141 R. J’ai failli négocier
avec un Bugatti Fulgurex (quitte à m’endetter pour une décennie). Finalement,
nous sommes tombés d’accord : j’investirai dans de l’artisanat français,
afin de soutenir la croissance et la compétitivité qu’il m’a dit… Il m’a laissé
le choix du matériel, roulant ou de décor, et des matériaux : laiton,
carton, bois, plastique, impression 3D et même résine (de quoi ?)… Mais il
n’a pas voulu transiger pour le port du bracelet électronique relié à ma
centrale digitale, je dois y être connecté une heure par jour au minimum.
J’ai pensé que tout cela était un
rêve, option cauchemar, mais je viens de me rendre compte que j’avais
scrupuleusement noté dans mon Bullet Journal une longue liste d’artisans avec
leur site Internet. Il va falloir choisir, faudrait pas que je récidive…
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